La mitoyenneté
La mitoyenneté figure aux articles 649 à 670 du code civil. C’est un droit réel immobilier assimilé à une servitude, car elle peut s’imposer à autrui.
Ce droit est en fait une copropriété (ou indivision) forcée, où le nombre de copropriétaires (ou indivisaires) est réduit à 2.
Chacun des 2 propriétaires détient la moitié du tout, du côté de sa propriété. Cette mitoyenneté peut résulter des lieux ou être imposée par les textes.
Elle concerne en ville un mur séparant 2 bâtiments ou 2 cours, ou une clôture séparant 2 jardins. Elle peut concerner une haie, un fossé, une borne, un arbre, un grillage ou un mur commun à 2 propriétés contigües dans les zones pavillonnaires ou à la campagne.
Elle ne peut pas concerner 2 parcelles appartenant à un même propriétaire, ni 2 parcelles non contigües séparées par un chemin ou éloignées et n’ayant aucun point commun.
Cette forme de copropriété forcée est perpétuelle entre 2 propriétés et non pas entre 2 propriétaires. Un des copropriétaires peut pourtant y mettre fin à tout moment en acquérant ou en abandonnant la pleine propriété de l’objet mitoyen (mur, clôture, haie, fossé…) à l’autre copropriétaire. Si les deux propriétés sont réunies par un seul propriétaire, elle disparaît immédiatement.
Attention à ne pas confondre mitoyenneté et « time share » (temps partagé) qui n’est pas un droit de propriété mais un droit d’usage ou de jouissance pendant une durée déterminée.
Attention à l’abus de langage consistant à dire de 2 maisons qu’elles sont mitoyennes. C’est un non-sens. En effet, elles ne sont que contigües, avec chacune son mur ou avec un mur commun, qui est dans ce cas mitoyen, mais lui seul.
La mitoyenneté peut s’appliquer au domaine privé des personnes publiques (État, région, département, collectivité d’outre-mer, collectivité à statut particulier, commune) et de leurs établissements (communauté urbaine, communauté d’agglomération, communauté de communes, ÉPCI, SIVU, SIVOM…).
La mitoyenneté ne peut pas s’appliquer au domaine public des personnes publiques.
La mitoyenneté peut être acquise par prescription. Par exemple, un bâtiment appuyé contre le mur du voisin, sans protestation de sa part pendant 30 ans, permet à celui qui s’est appuyé de revendiquer la mitoyenneté de la partie du mur utilisée pour l’appui.
La mitoyenneté est prouvée par un acte notarié qui précise si le mur (clôture, fossé, haie…) est privatif ou mitoyen.
La mitoyenneté peut être présumée ou écartée par des signes extérieurs.
Sauf titre contraire ou prescription, la mitoyenneté est présumée par des marques extérieures si
– le sommet du mur est couvert par un chaperon à 2 versants,
– le sommet du mur comporte un filet d’eau de chaque côté,
– des corbeaux existent des 2 côtés du mur,
– le fossé comporte une levée de terre (ou rejet) de chaque côté,
– le mur sert de séparation entre 2 bâtiments jusqu’à l’héberge,
– le mur sert de séparation entre 2 cours ou 2 jardins ou une cour et un jardin,
– le mur sert de séparation entre 2 enclos dans les champs,
– la clôture sépare 2 terrains,
Sauf titre contraire ou prescription, la non-mitoyenneté est présumée par des marques extérieures si
– le sommet du mur est droit à l’aplomb de son parement d’un côté, le mur appartient à celui du côté duquel il n’y a pas d’aplomb,
– le sommet du mur est couvert par un chaperon incliné d’un seul côté, le mur appartient à celui vers lequel s’incline le chaperon,
– le sommet du mur comporte un filet d’eau d’un seul côté, le mur appartient à celui du côté duquel se situe ce filet d’eau,
– des corbeaux existent d’un seul côté, le mur appartient à celui du côté duquel se trouvent les corbeaux,
– le fossé comporte une levée de terre (ou rejet) d’un seul côté, le fossé appartient à celui du côté duquel se trouve ce rejet.
Les droits et devoirs des mitoyens
– on peut acquérir amiablement ou judiciairement la mitoyenneté d’un mur existant en limite de propriété par un transfert de propriété. Il nécessite un document d’arpentage et un acte authentique : la limite de propriété est déplacée pour diviser le mur en deux dans l’épaisseur sur toute sa hauteur et sur toute sa longueur et inclure ainsi le terrain sur lequel est bâtie cette moitié de mur. Le demandeur doit donc acheter la moitié de ce mur et la moitié du terrain sur lequel il est bâti. La dépense s’estime au moment de la revendication en fonction de l’état du mur. En plus du prix de l’ouvrage et du terrain qui le supporte, le demandeur assume les frais induits.
– on ne peut acquérir la mitoyenneté d’un fossé ou d’une haie qu’amiablement.
– si deux propriétaires dont les fonds sont contigus construisent à frais communs une clôture (un mur) sur la limite séparative de leurs terrains respectifs, cette clôture (ce mur) est automatiquement mitoyenne car elle résulte d’un accord amiable. Dans ce cas il s’agit d’une copropriété (ou indivision) consentie et non plus imposée.
– un copropriétaire peut détruire la haie mitoyenne jusqu’à la limite de sa propriété, à condition qu’il construise un mur sur cette limite.
-un copropriétaire peur combler un fossé mitoyen qui ne sert qu’à la clôture à condition qu’il construise un mur sur la limite de propriété.
– la mitoyenneté peut s’abandonner, mais l’abandon ne peut pas être réalisé par le copropriétaire d’un mur mitoyen soutenant un bâtiment lui appartenant ou soutenant ses terres ou soutenant les terres de l’autre copropriétaire, ni par le copropriétaire d’un fossé qui sert habituellement à l’écoulement des eaux.
– l’entretien, la réparation ou la reconstruction d’un mur mitoyen est une charge commune aux copropriétaires. Cette règle ne s’applique pas si les travaux sont nécessaires du fait d’un seul des copropriétaires. Par exemple, le copropriétaire qui démolit son bâtiment attenant au mur mitoyen doit effectuer les travaux d’imperméabilisation du côté du mur mitoyen laissé sans protection aux intempéries.
– il peut être opportun, ou, a contrario, inopportun, de réclamer la mitoyenneté. Cela doit s’apprécier au cas par cas.
– si le copropriétaire d’un mur mitoyen fait exécuter des travaux sur ce mur sans l’accord préalable (que nous conseillons constaté par écrit) de l’autre copropriétaire, en dehors de l’urgence constatée, les frais restent à sa charge.
– chacun des copropriétaires peut appuyer des constructions contre le mur et y enfoncer des poutres ou solives, à 54 mm près, sans le consentement de l’autre copropriétaire. Mais ce dernier pourra faire réduire à l’ébauchoir la poutre ou la solive jusqu’à la moitié du mur dans le cas où il voudrait lui-même asseoir une poutre à cet endroit ou y adosser une cheminée.
– chaque copropriétaire peut appuyer des plantations en espalier contre un mur mitoyen, mais les végétaux ne doivent pas dépasser le sommet de ce mur.
– chaque copropriétaire peut louer à des fins publicitaires la face du mur qui se trouve de son côté sans en référer à l’autre copropriétaire et sans avoir à partager la redevance perçue.
– aucune ouverture (porte, fenêtre, regard, jour, fente) ne peut être pratiquée dans un mur mitoyen sans l’accord préalable (que nous conseillons constaté par écrit) de l’autre copropriétaire.
– tout copropriétaire peut surélever le mur mitoyen ou augmenter son épaisseur. Il en supporte alors seul les frais car la partie exhaussée ou augmentée est sa propriété propre. Si le mur n’est pas en mesure de supporter la surélévation, celui qui veut l’exhausser doit le faire reconstruire en entier à ses frais, et le surplus d’épaisseur nécessaire sera pris sur son terrain. Le copropriétaire qui n’a pas participé à l’exhaussement peut en acquérir la mitoyenneté. Dans ce cas, le transfert de propriété nécessite un document d’arpentage et un acte authentique car il faudra acheter la moitié du mur et la moitié du terrain rendu nécessaire pour l’excédent d’épaisseur. La dépense est estimée au moment de la revendication en fonction de l’état du mur. En plus du prix d’achat, le demandeur supporte les frais induits.
– un copropriétaire ne peut pas pratiquer un enfoncement dans le mur mitoyen ni appuyer un ouvrage sur ce mur sans l’accord préalable (que nous conseillons constaté par écrit) de l’autre copropriétaire ou, en cas de refus, sans avoir fait vérifier préalablement par un expert que le projet ne nuit pas à la bonne tenue de l’ouvrage existant.
– chaque copropriétaire peut, en ville, contraindre l’autre copropriétaire à contribuer aux construction et réparation du mur séparant maisons, cours et jardins. La hauteur est fixée par des règlements particuliers ou par des usages constants. À défaut de règlements particuliers ou d’usages constants, le mur aura une hauteur supérieure ou égale à 3,2 m dans les villes de 50 000 habitants ou plus, il aura une hauteur supérieure ou égale à 2,60 m dans les autres villes.
– tant que dure la mitoyenneté d’une haie, les produits (fruits, fleurs , bois) se partagent par moitié entre les 2 copropriétaires, car les arbres de la haie, comme ceux plantés sur la limite séparative des 2 propriétés, sont mitoyens. Les fruits, fleurs ou bois sont recueillis à frais communs et partagés par moitié, qu’ils soient tombés naturellement, que la chute soit provoquée ou qu’ils soient cueillis.
– chaque copropriétaire a le droit d’exiger que les arbres mitoyens soient arrachés.
textes à consulter (version en vigueur au 24 septembre 2019)
code civil (articles 653 à 670)
septembre 2019 –