Le voisin, le jour et la vue
Pour apporter la lumière dans un bâtiment, on peut créer une ouverture dans un mur aveugle ou dans la toiture. Celle-ci devra respecter les dispositions du code civil protégeant la vie privée des voisins et donc la nôtre.
Cette ouverture peut être prévue dès le projet ou réalisée sur un bâtiment existant. Dans tous les cas, il faut en vérifier préalablement la possibilité dans :
1) le plan local d’urbanisme (PLU) qui peut
- imposer un retrait par rapport à la limite de propriété (généralement de 3 m, mais cela varie selon la ville et/ou selon l’endroit dans la ville),
- limiter la hauteur totale d’un édifice au-dessus du niveau du sol,
2) le règlement conventionnel de copropriété, si le bâtiment est soumis aux dispositions de la loi n°557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis,
3) le règlement du lotissement, si le bâtiment est situé dans un lotissement.
Même si aucune disposition règlementaire ne l’interdit, cette ouverture ne peut pas être réalisée :
- dans un mur mitoyen sans obtenir préalablement l’autorisation écrite de l’autre copropriétaire,
- à une distance ne respectant pas les dispositions du code civil sans obtenir préalablement l’autorisation écrite du voisin.
Cette autorisation créera une servitude de vue sur ce fonds voisin.
Cette ouverture ainsi pratiquée s’appelle, selon sa fonction et son emplacement, une vue ou un jour.
Ces 2 ouvertures ne répondent pas aux mêmes règles, selon que l’on peut voir de façon normale et constante chez le voisin ou pas, en fonction de leurs dimensions, de leur éloignement par rapport à la limite de propriété, de la nature des matériaux utilisés…
La vue
C’est un trou (baie dans un mur ou ouverture dans un toit) qui laisse passer l’air, la lumière et le regard.
Elle peut être libre (baie, cour anglaise, ouverture, patio…) ou garnie d’une menuiserie à ouvrant (fenêtre, fenêtre de toit, lucarne, porte, porte-fenêtre, vasistas…) ou garnie d’une menuiserie à dormant (claustra, grille, moucharabieh, puits de lumière, verrière…).
En façade, elle peut être insérée dans une construction en saillie : avancée, balcon, balcon-serre, bow-window, corniche, coursive, échelle, encorbellement, galerie, oriel, perron, plate-forme, terrasse…
En toiture, elle peut être insérée dans une construction en saillie : belvédère, campanile, cheminée, clocher, clocheton, lanterneau, plate-forme, terrasse, toit-terrasse, tourelle…
L’exutoire de fumée situé en toiture n’ayant pas vocation à être maintenu ouvert, n’est pas une vue.
La vue est droite si on voit le fonds voisin situé en face en se plaçant dans l’axe de l’ouverture sans se pencher ni tourner la tête.
Elle est pratiquée à une distance minimale de : 1,90 m de la limite de propriété comptée du point le plus avancé du parement extérieur du mur où est située cette ouverture (en général l’appui de fenêtre) ou du balcon (perron, terrasse…) où est située la balustrade ou la main courante.
La vue est oblique si on voit le fonds voisin situé sur le côté ou de biais en se penchant ou en tournant la tête.
Elle est pratiquée à une distance minimale de : 0,60 m de la limite de propriété comptée depuis l’angle le plus avancé de l’ouverture.
Ces distances minimales du code civil ne s’appliquent qu’aux fonds contigus, elles ne s’appliquent donc pas :
- à une ouverture donnant sur une parcelle en indivision,
- au balcon ou à la terrasse donnant sur un mur aveugle ou un toit fermé,
- à une vue droite ou oblique donnant sur le domaine public (canal, jardin, parc, rue, square…),
- si le fonds voisin supporte une servitude de passage au profit de celui qui crée l’ouverture,
- si l’ouverture pratiquée dans le toit ne permet de voir que le ciel,
- aux copropriétés horizontales car les parcelles forment une seule propriété commune.
Si 2 propriétés sont séparées par un espace commun (chemin, cour, rivière, ruelle…) la distance ne se compte pas depuis le milieu de cet espace commun, mais depuis la limite de propriété.
Le jour
C’est un trou (baie dans un mur ou ouverture dans un toit) qui ne laisse pas passer l’air ni le regard, mais qui laisse passer la lumière.
Il ne s’ouvre pas et permet seulement l’éclairage d’un local.
Il doit être réalisé en verre dormant et opaque avec un treillis à maillage dont les mailles ont 0,10 m d’ouverture au plus.
Il est appelé « jour de souffrance » quand il est réalisé dans un mur et laisse passer l’air sans laisser passer le regard.
L’éclairage zénithal (puits de lumière ou conduit de lumière ou conduit solaire) ouvert dans un toit ne laisse passer que la lumière. Si le regard passe, on ne peut voir que le ciel depuis l’intérieur.
Il ne peut être pratiqué qu’à une hauteur minimale :
- à 2,60 m du sol d’un local situé au rez-de-chaussée,
- à 1,90 m du sol d’un local situé à l’étage.
La servitude de vue
Une servitude de vue existe quand une ouverture est créée en-deçà de la distance réglementaire et que le voisin ne peut pas s’y opposer car :
soit un accord écrit entre voisins existe :
- il permet de déroger aux obligations légales par une convention autorisant la création d’une (plusieurs) ouverture à une distance inférieure à la distance légale
- il s’applique uniquement aux signataires, mais s’il est déposé chez le notaire pour publication aux hypothèques, il s’appliquera aussi aux futurs propriétaires successifs.
soit une prescription (décennale ou trentenaire) existe :
- un des voisins a créé une ouverture sans respecter la distance légale, il bénéficie d’une servitude de vue si l’autre n’a pas réagi pendant 10 ans ou 30 ans selon les circonstances.
soit une division de propriété a été réalisée :
- à l’issue de la division d’un immeuble, une ouverture se situe à une distance non règlementaire de la nouvelle limite de propriété, l’acquéreur de la parcelle issue de la division devra supporter cette servitude de vue.
Recours en cas de manquement
Une dérogation aux distances règlementaires peut être tolérée si cela ne cause pas de préjudice au voisin subissant la servitude de vue.
En cas contraire, il faut tenter de trouver un accord amiable.
À défaut de résolution amiable, il faut adresser une lettre recommandée avec demande d’avis de réception (LRAR) mettant en demeure le propriétaire auteur de l’ouverture de la refermer.
Si celui qui crée l’ouverture a obtenu une autorisation d’urbanisme, il faut lui rappeler que toute autorisation d’urbanisme est toujours délivrée « sous réserve des droits des tiers ». Le maire n’est pas compétent pour connaître et juger des relations entre voisins, elles relèvent de leurs vies privées respectives.
Il est toujours possible, pour le voisin dont la vie privée est compromise, de faire un recours amiable auprès de l’autorité ayant délivrée l’autorisation d’urbanisme et/ou un recours contentieux au tribunal administratif (TA) pour demander la suppression de l’ouverture.
Mais, même si les distances sont respectées, le voisin qui s’estime lésé peut faire un recours au tribunal judiciaire (TJ) pour « trouble anormal de voisinage » s’il peut démontrer la privation de la jouissance paisible de son droit de propriété (cassation – 7 février 2007 – vue plongeante constitutive d’un trouble anormal de voisinage).
*commentaire : l’immeuble est une parcelle de terrain, au sens cadastral du terme. Ce terrain est nu (absence de toute construction) ou encombré de bâtiments (maison, bureau, magasin, hangar…) ou de constructions qui ne sont pas des bâtiments (bassin, canal, parking, route, silo…).
textes à consulter (mise à jour juin 2020)
-code civil (articles 675 à 680)