Un nouveau Plan régional de santé en Pays de Loire
L’agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire finalise
actuellement le nouveau Plan régional de santé (PRS). Il déterminera
pour les cinq ans à venir les principaux axes des politiques publiques
à mettre en œuvre en Pays de la Loire. L’élaboration de ce plan a fait
l’objet de nombreux groupes de travail dans lesquels des représentants
d’usagers étaient présents, dont plusieurs de l’UFC-Que Choisir.
Les attentes exprimées par les usagers
Déserts médicaux, situation financière des hôpitaux, engorgement des services d’urgence, difficultés dans les maisons de retraite ou établissements hospitaliers pour personnes dépendantes (EHPAD), insuffisance de places dans les structures médico-sociales, augmentation des restes à charge, financement de notre système de santé (en particulier de la dépendance), et pénuries criantes de ressources humaines, avec un manque d’attractivité pour les métiers de la santé.
Voilà des préoccupations qui font régulièrement l’actualité, et qui tourmentent nos concitoyens.
La réponse à ces problèmes majeurs dépend avant tout de décisions nationales.
Mais nous voulons croire, comme représentants des usagers, que ce nouveau Plan régional sera néanmoins un levier.
Nous espérons qu’il répondra concrètement aux attentes des Ligériens en matière de santé, dans ses orientations comme dans ses déclinaisons opérationnelles.
Dans les groupes de travail, au nom des usagers, nous avons en particulier porté les messages suivants :
- Une communication claire et adaptée auprès de tous les usagers, expliquant l’organisation du système de santé de notre région, trop souvent incompréhensible pour les non-initiés.
- Une prévention et une promotion de la santé plus développées, avec les moyens nécessaires.
- Un système de santé plus humain et à l’écoute.
- Surtout, un accès à des soins de proximité de bonne qualité, quelle que soit la situation géographique, économique et sociale des usagers.
Des carences dans le système de santé
Le manque de ressources humaines dans notre système de santé est au centre des causes des difficultés d’accès aux soins.
La situation est inquiétante et, malgré toutes les promesses, les professionnels à recruter en fonction de ces besoins ne seront pas opérationnels avant une dizaine d’années, (à condition d’investir dans la formation dès maintenant).
En attendant, la priorité doit être de mettre en place des organisations qui utilisent au mieux les ressources disponibles.
Il ne faut pas hésiter pour cela à briser des positions catégorielles de certaines professions médicales, (médecins en particulier).
Pour l’offre de soins dans les hôpitaux, une meilleure coopération est absolument nécessaire entre le secteur public et le privé.
Pourtant, c’est actuellement une concurrence malsaine qui prédomine pour certaines missions de santé.
Ces rivalités se développent au détriment des patients, avec des dépassements d’honoraires exorbitants sur certaines interventions chirurgicales par exemple.
La volonté de favoriser la synergie entre soins de ville, (votre médecin traitant), et l’hôpital est loin d’être optimale.
Nous avons entendu de nombreuses critiques de professionnels libéraux sur les conditions de prise de rendez-vous et la transmission des informations médicales dans les hôpitaux.
Il y a effectivement une marge de progrès certaine sur ce sujet.
Ne pas culpabiliser les usagers
Nous avons aussi entendu beaucoup de critiques de la part de certains professionnels, vis-à-vis des usagers.
En fait, pour eux, les difficultés de notre système de santé viendraient du recours trop important aux soins par certains patients, adeptes du consumérisme médical. Il faudrait donc mieux les « éduquer », c’est-à-dire mettre en place des contraintes et les faire contribuer beaucoup plus financièrement.
En tant que représentants des usagers, nous nous sommes vivement opposés à cette vision. Nous préférons développer la responsabilisation de l’usager.
Le recours exagéré aux urgences est souvent pris en exemple : on parle ainsi de 40 % de sollicitations injustifiées.
Mais selon une lecture objective des statistiques, seulement 14 % des patients en Pays de la Loire ayant fréquenté les urgences n’ont nécessité qu’un examen médical simple, sans actes complémentaires.
Cette prestation aurait pu être effectivement réalisée lors d’une consultation chez un médecin, mais à condition de pouvoir obtenir un rendez-vous rapidement.
Nos priorités pour l’offre médicale des établissements
de santé
- Augmentation du nombre de lits en médecine générale :
Pour une hospitalisation en médecine générale qui concerne en particulier les personnes âgées, la priorité est de permettre un accueil à proximité du domicile.
Le prochain Plan régional prévoit 7 implantations nouvelles dans des hôpitaux de proximité.
- Maintien des maternités en Pays de Loire :
Malgré les difficultés récurrentes en personnel des maternités de notre région, aucune fermeture définitive de maternité n’est prévue dans le Plan régional. Ceci en dépit de suspensions temporaires d’activité survenues par manque de personnel en 2023 dans les hôpitaux d’ANCENIS et du Pôle Santé Sarthe et Loir.
Mais tout de même, en Pays de Loire, 8 établissements réalisent moins de 700 accouchements par an en 2022, (l’Académie de médecine, dans un rapport rendu public en mars 2023, juge illusoire de soutenir, pour des raisons de sécurité, les structures réalisant moins de 1 000 accouchements par an et préconise des regroupements.)
- Investir davantage dans la psychiatrie :
La psychiatrie est une des spécialités médicales où la situation de l’offre est plus que préoccupante, du fait d’une détérioration généralisée de la santé mentale de toute la population.
Il en résulte une activité intense des services de psychiatrie, notamment pour les adolescents. Cette situation est amplifiée par des tensions sévères en ressources humaines, (fin 2022, 100 emplois de cette filière ne sont pas pourvus en Pays de la Loire).
Nous avons particulièrement insisté sur la nécessité de l’amélioration de la prise en charge des adolescents. Il faut l’anticiper avant l’hospitalisation, et la renforcer par une augmentation du nombre de lits d’accueil dans les établissements spécialisés.
- Priorité à la qualité des soins en chirurgie :
L’essentiel est de garantir la qualité et la sécurité des soins dans les interventions chirurgicales.
Mais on observe que des établissements de notre région réalisent très peu d’opérations pour certaines pathologies, (en particulier le cancer).
Nous avons donc admis que le maintien d’activités chirurgicales trop rares dans ces établissements de santé devait être mis en question.
Signalons que la région Pays de la Loire est la première région de France en taux de chirurgie ambulatoire (séjour sur la journée) : 65 %. Selon nous, augmenter ce taux mettrait en péril la prise en charge des patients.
- Consolider les urgences :
La situation actuelle des services d’urgence se caractérise par un manque de ressources médicales formées à cette spécialité.
Cela entraîne des adaptations conjoncturelles du fonctionnement des urgences, avec des suspensions temporaires d’activité.
Le Plan régional, dans sa rédaction actuelle, ne prévoit pas de fermetures définitives de services d’urgence.
Les objectifs de décongestion de ces services pourraient être soutenus par deux mesures :
- D’une part, une organisation sécurisée pour les personnes âgées de plus de 75 ans, qui les orienterait directement en médecine gériatrique, sans attente aux urgences.
- D’autre part, le renforcement en nombre et compétence des moyens humains des centres 15, pour la réorientation vers une réponse de soins non programmés de ville, des patients qui ne devraient pas passer aux urgences.
- Une meilleure offre d’imagerie médicale :
Nous recueillons les témoignages de patients qui se plaignent des délais très longs, (plusieurs semaines), pour pouvoir obtenir un rendez-vous en IRM ou scanner.
Effectivement, notre région est une des moins bien dotées en appareils d’imagerie, malgré un effort significatif en équipements ces dernières années : en Maine et Loire, 3 scanners et 3 IRM supplémentaires dont une dédiée aux urgences neurologiques, (prise en charge des AVC),
Mais les temps d’attente sont toujours aussi longs. Ils sont en outre amplifiés par le manque de radiologues et de manipulateurs.
Pour les 5 années à venir, afin de répondre aux besoins de la population, 68 implantations nouvelles sont envisagées dans la région (plus 60 %). Encore faudra-t-il affecter les soignants pour utiliser ce matériel.
Conclusion
Les travaux sur ce Plan régional de santé, auxquels nous avons été associés, montrent bien toute la fragilité de notre système de santé actuel.
Cette situation résulte en particulier des pénuries en moyens humains. Mais cela ne pourra pas s’améliorer du jour au lendemain.
C’est pourquoi nous insistons pour que tous les acteurs collaborent : institutionnels (ARS et assurance maladie), collectivités territoriales, établissements sanitaires et médico-sociaux, professionnels de santé.
Il faut ensemble mettre en place des organisations innovantes afin de répondre aux réels besoins de santé des Ligériens.
Cette démarche ne devrait pas être entravée par des arrière-pensées de suprématie, des frontières de compétences, des intérêts catégoriels. Vaste défi !
Nota – Cet article a été rédigé par Gérard ALLARD, administrateur de l’AL Que Choisir de NANTES, représentant de l’union régionale UFC Que Choisir au Conseil économique social environnemental des Pays de la Loire, (CESER), et membre de la commission permanente de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie Pays de la Loire. Nous avons seulement fourni en complément des exemples plus centrés sur le Maine et Loire.