UFC-Que Choisir de Maine et Loire

Santé et bien être

Faire sauter les barrières financières à l’accès aux soins

Notre association dénonce régulièrement une médecine spécialisée à deux

vitesses de plus en plus présente en raison d’une augmentation du nombre

de médecins spécialistes conventionnés auprès de la Sécurité Sociale en

secteur 2 à honoraires libres.

(Article paru dans Anjou Consommateurs Spécial Santé de novembre 2024)

 

UFC-QUE CHOISIR – Stop à la médecine spécialisée à

deux vitesses – 22 février 2024

 

Cet obstacle financier se cumule sur certains territoires au manque de médecins, avec de forts risques de renoncement aux soins pour de nombreux patients.

Plus gravement encore, la « financiarisation » de l’offre de soins privés devient une réalité incontournable puisqu’aujourd’hui de nouveaux gros acteurs privés investissent dans le secteur du soin, (cliniques privées, laboratoires de biologie, centres d’imagerie médicale, centres pour la vue, les soins dentaires), dans le seul but de dégager des profits, au risque de dérives marchandes : incitation à une multiplication des actes, démarchage commercial agressif, (vision et soins oculaires, prothèses auditives, soins dentaires, etc…).

Certains de ces acteurs ont été condamnés financièrement, voire jusqu’à une interdiction d’exercer, grâce aux poursuites lancées par la Justice à la demande de l’Assurance Maladie ou d’Ordres professionnels. D’autres affaires ont fini au pénal, (centres dentaires DENTEXIA notamment).

 

La Santé ne devrait pas être source de spéculation au détriment tant

de l’Assurance Maladie que des consommateurs/patients qui payent en

moyenne directement, par le biais de leurs complémentaires santé, 20 %

de leurs dépenses de santé.

 

Un exemple concret de barrière financière à l’accès

aux soins à faire sauter : le vaccin contre

la bronchiolite

 

Beaucoup d’entre nous avons dû comme « jeunes parents » gérer les bronchiolites de nos enfants.

Jusqu’à très récemment, il n’y avait pas de traitement préventif pour cette infection respiratoire provoquée par un virus très répandu en automne et en hiver qui touche surtout les enfants de moins de 2 ans.

Cela occasionnait encore il y a deux ans des hospitalisations importantes en période d’épidémie, entrainant une surcharge et une désorganisation des services de Pédiatrie des hôpitaux.

Ainsi, sur la période hivernale 2022-2023, l’épidémie a duré 16 semaines, engendrant 73.262 passages aux Urgences, 26.104 hospitalisations et 10.801 appels à SOS Médecins

En 2023, grâce à la recherche médicale, une innovation majeure a été mise à la disposition des médecins par le laboratoire Sanofi : un médicament préventif permettant l’immunisation de l’enfant pendant 5 mois, le Beyfortus.

Ce qui a permis pendant l’hiver 2023-2024, de traiter à titre préventif 250.000 nourrissons, et donc de casser tout épisode épidémique, (avec ses conséquences économiques positives grâce à moins d’hospitalisations ou d’arrêts de travail pour garde d’enfants malades).

Un second miracle est survenu : une prise en charge à 100 % par la Sécurité Sociale, mais qui n’a été que temporaire.

En effet, malheureusement, à partir de la période actuelle 2024/2025, si les parents sont très fortement incités à faire immuniser leurs nourrissons grâce à ce nouveau traitement, désormais le Beyfortus est remboursé par l’Assurance Maladie seulement à hauteur de 30 %.

Pas grave : les mutuelles couvriront le reste à charge, (70%) !

C’est vrai pour les personnes couvertes par une complémentaire santé, (mais 4 % de la population n’en a pas).

Surtout, sur la base du prix de ce nouveau traitement :  401,80 €, le reste à charge à couvrir par les complémentaires Santé s’élève à 281,26 €. Et donc, très directement, les patients/consommateurs financeront ce « reste à charge » par une augmentation de leur cotisation de mutuelle !

Même si Sanofi qui a mis sur le marché ce médicament bénéficie d’un effet d’aubaine, le prix, (validé par les autorités sanitaires), peut s’expliquer car il a fallu franchir beaucoup d’étapes entre la recherche médicale et la mise sur le marché de ce médicament.

D’autant qu’assez rapidement d’autres laboratoires vont probablement proposer des médicaments similaires mais moins coûteux.

Il n’en reste pas moins que le remboursement par la Sécurité Sociale du Beyfortus est nettement moindre en pourcentage que celui du Doliprane, (65 % : 1,16 € pour une plaquette de 8 comprimés de 1000 mg, fabriqué aussi par Sanofi).

Ce transfert « sournois » vers une dépense privée de ce qui devrait être une « dépense publique », car d’intérêt public, est d’autant plus insupportable qu’au final ce nouveau (et coûteux) médicament induit bien des économies directes et indirectes importantes en termes d’hospitalisation et d’arrêts de travail pour garde enfant malade…

 

Les soins de santé ne sont décidément pas des dépenses pas comme

les autres : les logiques de solidarité, de prévention et de qualité des

soins ne peuvent être soumises à la seule logique du profit.

 

 

Comment réduire les dépenses de santé sans

pénaliser les patients/consommateurs ?

 

Très régulièrement, (et encore cette année !), les pouvoirs publics sont confrontés à ce dilemme : comment maitriser les dépenses de santé ?

Et toujours aussi régulièrement, les mêmes remèdes sont préconisés : responsabiliser les patients en augmentant le « reste à charge » non couvert par l’Assurance Maladie.

Ce qui revient en réalité à transférer ce « reste à charge » de l’Assurance Maladie aux Complémentaires Santé pour tous les patients en disposant.

Certains économistes ont en 2021 attiré l’attention des pouvoirs publics sur l’importance des frais de gestion des complémentaires santé au regard de ceux de l’Assurance maladie.

Le tableau ci -dessous établi pour l’année 2022 par la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques, (DREES), qui dépend du Ministère de la Santé montre effectivement cette distorsion :

  Consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) Coûts de gestion du système de santé (CGSS) % CSBM/CGSS
Assurance Maladie 189 milliards d’euros 6,728 milliards d’euros

3,56 %

Organismes complémentaires 29,8 milliards d’euros 7,849 milliards d’euros

26,33 %

Reste à charge des ménages 17 milliards d’euros Etat : 1,080 milliards d’euros  
  Total CSBM : 235,8 milliards d’euros Total : 15,657 milliards d’euros

6,64 %

 

Il est sans doute irréaliste de vouloir appliquer le taux de 3,56 % aux frais de gestion aujourd’hui liés aux dépenses des organismes complémentaires, (au lieu de 26,33 % tout de même), si l’Assurance Maladie prenait en compte directement ces dépenses aujourd’hui à la charge des complémentaires santé.

Mais en prenant comme hypothèse des frais de gestion de 10 %, cela permettrait une économie de 4,8 milliards d’euros sans incidence sur les dépenses réelles de santé hors frais de gestion des organismes payeurs.

Pour aller plus loin sur ces hypothèses qui avaient un temps intéressé l’ancien Ministre de la Santé, Olivier Véran :

 

Complémentaires santé, un pognon de dingue ! 

Alternatives Économiques – 28 octobre 2022 – 

Nicolas Da Silva

 

A noter que sur le même thème la Fédération UFC Que Choisir a lancé le 30 janvier 2025 une campagne nationale :

 

Inégalités d’accès aux soins essentiels – Exigeons une

prise en charge publique à 100 % ! 

Action UFC-Que Choisir