UFC-Que Choisir de Maine et Loire

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Pesticides à risques, 50 % de fruits et légumes contaminés : le temps n’est plus au laxisme avec les pesticides

 

 

L’UFC-Que Choisir a rendu publique le 24 mars 2022 une analyse critique des 14.000 contrôles sanitaires officiels sur les aliments vendus en France.

Ces contrôles révèlent que plus de la moitié des fruits et légumes de l’agriculture intensive testés sont contaminés par des pesticides suspectés d’être cancérogènes, toxiques pour la reproduction ou l’ADN ou perturbateurs endocriniens.

Sur la base de ce constat inquiétant, et alors que la FNSEA et le Ministre de l’agriculture, instrumentalisant les conséquences de la guerre en Ukraine, demandent de façon irresponsable un abandon des propositions européennes pour renforcer le cadre réglementaire sur les pesticides, l’Association UFC-Que Choisir saisit les autorités, dont l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, (ANSES), pour obtenir des procédures plus strictes d’autorisation des pesticides.

 

 

La majorité des produits issus de l’agriculture intensive sont contaminés, et jusqu’à 92 % pour les cerises !

 

L’UFC-Que Choisir a examiné les analyses de 14.000 échantillons de produits bio et conventionnels, (données issues des contrôles effectués en 2019 par les services officiels, publiés par le ministère de l’Agriculture).

Parmi les pesticides détectés, il a été décelé plus de 150 substances suspectées d’être cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques ou perturbateurs endocriniens, (sur la base des listes de produits suspects établies par L’ANSES en avril 2021 ainsi que sur les éléments de la liste publiée par la Commission Européenne pour les substances considérées comme cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques avérées, présumées ou suspectées.)

Le bilan est particulièrement inquiétant :

Pour les fruits et légumes de l’agriculture intensive, la présence d’un de ces pesticides à risque est révélée dans 51 % des contrôles et d’au moins deux pesticides à risques pour 30 % des contrôles.

Loin de ne concerner que des traces infinitésimales non quantifiables, dans près d’un cas sur deux (43 %), les autorités ont été en capacité de mesurer les doses de ces substances.

 

 

Par exemple, dans plus d’un quart des pomélos analysés, (27,4 %), il est décelé du pyriproxyfène, fortement suspecté d’être un perturbateur endocrinien et d’avoir contribué à des malformations de la tête et du cerveau observées au Brésil.

Les pommes font partie des aliments les plus contaminés, (80 % des échantillons), et il y est détecté fréquemment du fludioxonil, (48 % des échantillons), fongicide suspecté d’être un perturbateur endocrinien

La quasi-totalité des cerises, (92 % des échantillons), se trouvent notamment contaminées en phosmet, (47 % des échantillons), un insecticide suspecté par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments, (AESA), d’être toxique pour la fonction reproductrice.

 

 

Le bio, meilleur moyen d’éviter les pesticides pour les consommateurs les plus sensibles

 

En effet, l’étude de l’UFC-Que Choisir montre que les aliments bio sont beaucoup moins contaminés, notamment en raison de l’interdiction des pesticides de synthèse pour ce mode de production.

Par rapport à leurs équivalents de l’agriculture intensive, il est relevé pratiquement six fois moins d’échantillons de tomates bio contaminées par des pesticides à risques, (1 échantillon sur 10 en bio contre près de 6 sur 10 en conventionnel), sept fois moins pour les haricots verts bio et huit fois moins pour les pommes.

Dans les rares cas, où le bio est contaminé, les teneurs relevées en pesticides à risque sont également beaucoup plus faibles qu’en conventionnel.

Ces teneurs sont quantifiables seulement pour 8 % des échantillons.

Dans tous les autres cas les substances sont généralement absentes ou présentes à l’état de traces non quantifiables.

Conformément aux recommandations du Programme National Nutrition Santé, (PNNS), du Ministère de la Santé, les produits de l’agriculture biologique constituent donc un recours pour les consommateurs, notamment les plus sensibles aux effets de ces molécules : femmes enceintes, enfants et adolescents.

Mais il n’est pas admissible de devoir obliger les consommateurs à se reporter sur une offre plus chère, alors que ces constats globaux inquiétants sont le résultat d’un cadre réglementaire particulièrement laxiste.

 

 

Des procédures de contrôle biaisées et obsolètes

 

Alors que les bilans des contrôles sanitaires sur les produits alimentaires donnent régulièrement lieu à des satisfécits officiels, l’analyse critique de l’UFC-Que Choisir démontre que la réglementation actuelle en matière de pesticides ne permet pas de garantir l’absence de risque dans les aliments.

En effet, ces contrôles tiennent essentiellement compte des limites maximales de résidus autorisées, (LMR), par la réglementation.

Mais les substances susceptibles d’être cancérogènes, toxiques pour les fonctions reproductrices ou les perturbateurs endocriniens, pourraient être nocives pour la santé, même à très faibles doses.

La conformité aux « limites maximales de résidus autorisées » est aujourd’hui considérée par une majorité de scientifiques spécialisés sur ces questions comme une notion obsolète qui n’offre pas de protection suffisante pour ces substances dont aucune trace ne devrait être tolérée, d’autant plus que leur action peut être accrue lorsqu’elles sont présentes en mélange, (effet cocktail).

Les procédures d’autorisation des pesticides se révèlent également particulièrement biaisées.

En effet, bien que les études indépendantes s’accumulent pour alerter sur la dangerosité de certains pesticides, les agences sanitaires continuent de les autoriser sur la seule base des études transmises par les fabricants.

Plus consternant encore, ces agences attendent généralement la fin des périodes d’autorisation pour procéder aux réévaluations, (ainsi le pyriproxyfène, décelé dans les pomelos brésiliens, ne sera réexaminé qu’en 2035 !)

Les divergences entre instances officielles constituent des failles supplémentaires de la réglementation.

Ainsi, l’Organisation Mondiale de la Santé, (OMS) classe le glyphosate comme un « cancérogène probable » alors que la Commission Européenne a prolongé en 2017 son utilisation jusqu’en 2022. Quant à la France, faisant fi de l’interdiction européenne des néonicotinoïdes, elle a également prolongé l’utilisation de certains d’entre eux sur la betterave au moins jusqu’à la fin 2022.

Or ces pesticides tueurs d’abeilles sont également soupçonnés d’agir sur le développement du système nerveux humain.

Comment, face à l’omniprésence des pesticides à risque dans l’alimentation, admettre un renoncement à l’ambition européenne salvatrice de réduire drastiquement leur utilisation en amont ?

Cette posture de la FNSEA et dans sa suite, celle du Ministre de l’Agriculture, sont inadmissibles.

Sur la base de son étude, l’UFC-Que Choisir exige un renforcement du cadre réglementaire national et européen, à travers :

  • La remise à plat des procédures d’autorisation et notamment l’élaboration de méthodologies officielles pour mieux identifier les composés cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques ou les perturbateurs endocriniens, ainsi que les effets en mélange de substances, (effet cocktail).
  • Des contre-analyses indépendantes réalisées sous la responsabilité des agences sanitaires en cas de doute sur la nocivité de certains pesticides
  • L’interdiction immédiate de commercialisation et d’utilisation des molécules les plus à risques, en application du principe de précaution.

À cet effet, l’Association a saisi l’Anses pour que celle-ci formule des propositions concrètes d’amélioration de la réglementation.

 

Nous mettons à votre disposition en libre accès sur Quechoisir.org les résultats complets du travail d’analyse de notre Fédération nationale :

 Observatoire des pesticides : Analyses portant sur 70 types de produits (regroupant plus de 5 000 aliments) – Quechoisir.org 24/03/2022

 

 

Pour aller plus loin, si vous êtes abonné à Quechoisir.org, vous pouvez lire l’ensemble de notre dossier sur les pesticides, et particulièrement notre article « Fruits, légumes, céréales… Des pesticides à risque partout » – paru le 24 mars 2022 et écrit par Elsa Abdoun, journaliste santé, science et alimentation à Que Choisir. et Cécile Lelasseux, rédactrice technique :

Fruits, légumes, céréales…Des pesticides à risque partout ! Quechoisir.org 24/03/2022